Une approche inédite
La dimension la plus originale de l'aide apportée se trouve
notamment dans la manière de s'y prendre quant à l'action dirigée contre le
bégaiement.
La tendance générale aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis
d'Amérique dans les milieux non institutionnalisés est certes de faire les
rééducations par petits groupes de personnes.
Mais, ce modèle d'approche est perçu par les observateurs avertis
à juste titre comme artificiel ; il ne correspond pas à la situation réelle. En effet,
les rééducations se déroulent presque exclusivement entre les rééducateurs et les
rééduqués. Or, dès que ceux-ci sortent du cabinet, le contexte sociologique et
psychologique n'est plus du tout le même. Par suite, la peur resurgit, accompagnée de
réactions de bégaiement d'autant plus angoissantes pour les personnes bègues que les rééducations ne les arment pas suffisamment ni efficacement contre
l'objet même de leurs appréhensions, les dysfonctionnements intermittents de l'émission
de la parole.
En quelques mots, le bégaiement engendre la peur et la peur engendre le bégaiement ; pour sortir du cercle vicieux, il faut faire disparaître le bégaiement. C'est le rôle élémentaire et essentiel de la méthode psychoénergétique.
Pour simplifier, nous dirons que les personnes bègues ressentent les difficultés expressives en présence des personnes non bègues (de là, le postulat, dans nos travaux de recherches, d'un versant sociologique à la théorie du bégaiement que recouvre le terme descriptif de "trouble relationnel" par lequel certains chercheurs ont tenté de définir ce phénomène). Il faut alors y trouver la solution logique.
A cet égard, la méthode psychoénergétique, qui est par ailleurs non seulement très fortement structurée et très cohérente mais encore extrêmement progressive, inclut le processus qui suit.
Les personnes bègues sont prises en charge par groupes de 2, 3 ou 4 (en termes de choix, nous avons préféré la qualité à la quantité) et selon un certain nombre de critères tels que le niveau de bégaiement, l'âge, le degré d'instruction, etc.. Les groupes sont aussi homogènes que possible jusqu'à un niveau satisfaisant d'aisance de la parole. Lorsque la technique d'orthofluidité verbale est installée et que les difficultés expressives disparaissent (1 à 2 jours selon les cas) sans plus laisser de traces, des personnes non bègues sont introduites dans le groupe dans l'espace de conversation (un autre intérêt du procédé est de mettre à l'épreuve la solidité du savoir-faire et du savoir-être acquis)... Les entraînements destinés à renforcer l'écoulement normal de la parole ont lieu en leur présence au cours des conversations libres auxquelles chaque participant prend part activement. Des sujets très diversifiés sont évoqués sur lesquels chacun donne son opinion.
Par là même, les personnes bègues sont habituées à parler normalement en compagnie des gens, c'est-à-dire sans être soumises à la pression et conséquemment sans avoir peur, sans être tendues et donc sans bégayer. Le fait même de parler sans bégaiement est une source d'assurance qui est un facteur de détente, état qui constitue un antidote contre le bégaiement.
Ce qui est capital est que les personnes bègues s'expriment et prennent l'habitude de parler en présence des gens avec calme et aisance. C'est le but final recherché.
Le système est baptisé technique de désensibilisation par le groupe. Il s'agit d'amener les personnes bègues en situation de communication ou de relation, c'est-à-dire en présence des gens, à ne plus réagir psychologiquement ni physiologiquement ou physiquement comme elles ont coutume de le faire, mais de se servir de la parole en toute détente, en toute assurance et en toute facilité. La confiance en soi ou l'assurance passe par la certitude acquise d'être à l'abri du bégaiement. Elle est apportée par l'élimination du bégaiement, priorité absolue de la méthode psychoénergétique. Celle-ci va à l'essentiel en commençant par s'attaquer aux troubles de la parole pour les faire disparaître.
En dépit de son importance considérable, la technique de
désensibilisation par le groupe n'est que l'une de celles qui composent la méthode psychoénergétique. Par rapport
à cette dernière, une autre particularité de la conception, à l'AAB, de l'approche
méthodologique, réside dans l'accent porté sur l'action
centrée également sur les dérèglements mêmes de la parole.
Car tant que la personne bègue vit
dans l'anxiété des réactions de bégaiement, qu'elle reste démunie et impuissante
contre les désordres de sa parole, elle ne peut éprouver ni calme, ni détente, ni
surtout assurance qui, pour une part qui est loin d'être négligeable, déterminent le
succès escompté.
Il faut faire disparaître le bégaiement pour faire cesser la peur. Cela revient essentiellement à libérer la parole des entraves intempestives auxquelles elle est soumise.